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Retour sur l’épisode d’agalactie des brebis en Lorraine

Au cours de l’hiver 2012-2013, de nombreux éleveurs ovins du Nord-Est de la France ont été confrontés à un épisode sévère d’agalactie sur les brebis. Au total, 39 élevages des régions Alsace et Lorraine ont déclarés des cas. Le phénomène s’est traduit par une baisse importante, voire une absence totale de colostrum et de lait pendant 2 à 8 jours après l’agnelage.

Dès les premiers cas en novembre 2012, les GDS de Meurthe-et-Moselle et Moselle ont sollicité GDS France pour la mise en place d’un groupe de travail réunissant l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, la Plateforme d’Epidémiosurveillance en Santé Animale (Plateforme ESA), des vétérinaires ruraux des GTV 54 et 57, GDS France et les GDS des régions Alsace et Lorraine. Ce groupe de travail a rapidement élaboré un cadre d’investigations basé sur des enquêtes en élevages et de nombreuses analyses.

Les enquêtes en élevage ont permis de confirmer et de chiffrer le caractère inhabituel du phénomène : jusqu’à 90% des brebis d’un même lot ont pu être touchées, se traduisant par des mortalités élevées d’agneaux, 30% en moyenne, mais très variables selon la réactivité et la disponibilité des éleveurs pour alimenter artificiellement des agneaux. En effet, il a été observé que la lactation pouvait reprendre (avec ou sans traitement thérapeutique) quand les mamelles étaient stimulées soit par la traite, soit par la tétée.

Les enquêtes ont également permis de conclure que la conduite d’élevage était cohérente, avec notamment une bonne préparation à la mise-bas (brebis bien complémentées avant agnelage).

Les analyses biologiques réalisées dans les élevages atteints sur les brebis et dans l’aliment ont permis d’explorer les hypothèses infectieuses, métaboliques et toxiques. Ce panel d’analyses a permis de conclure à un diagnostic d’intoxication par des mycotoxines. 

Les résultats ont montré de fortes teneurs en alcaloïdes de l’ergot, associées ou non à d’autres mycotoxines (trichothécènes) en quantité importantes dans l’alimentation des élevages ayant participé à l’enquête. Les alcaloïdes de l’ergot inhibent la sécrétion de prolactine, indispensable au développement mammaire et à la mise en place de la lactation. Cette hypothèse est appuyée par le fait que les problèmes d’agalactie ont disparu rapidement dans les élevages qui ont pu arrêter les aliments contaminés ou qui ont choisi d’ajouter des capteurs de mycotoxines.

Le problème des mycotoxines est très complexe et peu de solutions existent, ce sont des toxines produites par des champignons, elles se développent sur les végétaux dans les champs, lors de la récolte, du transport et du stockage des aliments. Il existe des mycotoxines de « champs » (Alcaloïdes de l’Ergot,  Thrichotécènes, Zéaralénone, etc.) et de « stockage » (Pénicillium et Aspergillus). Les cultivateurs peuvent limiter le risque de contaminations par des mycotoxines de champs en corrigeant certaines pratiques culturales : rotations des cultures, choix de variétés les plus adaptées aux conditions pédoclimatiques, travail du sol, réglage de la moissonneuse batteuse, … Pour les mycotoxines de stockage, il est possible de limiter le risque en conservant les céréales dans des bonnes conditions (endroit sec, propre et bien aéré, …). Les fourrages doivent également faire l’objet d’une attention particulière car ils peuvent être sujets à des attaques de champignons à l’origine des mycotoxines (y compris l’ergot) : un séchage rapide du foin et une stabilisation de la fermentation des ensilages limitent le risque.

Les aléas climatiques pourraient expliquer le caractère localisé et exceptionnel de ce phénomène. En effet, suite à la vague de froid de février 2012, la Lorraine et l’Alsace ont connu d’importants dégâts dus au gel de cultures, pouvant aller localement jusqu’à la destruction de 70 à 80 % de parcelles de blé. En parallèle, la protection fongicide a été souvent insuffisante pour des blés dont la production semblait compromise et, à la faveur de l’humidité au moment de la floraison, la fusariose s’est installée avec une production intense de mycotoxines.

Le groupe de travail réunissant de nombreuses compétences a permis de coordonner l’ensemble des recherches, d’identifier rapidement les causes de ces cas d’agalactie sévère et de proposer des solutions aux éleveurs. L’ensemble des frais d’investigations, d’un montant de 8 000 euros, a été pris en charge par la section « études et recherches » de la Caisse de solidarité santé animale (CSSA) du réseau des GDS.

Ce travail à fait l’objet d’un article complet dans Le Nouveau Praticien Vétérinaire en août 2013 (disponible sur demande au GDS).

Aujourd’hui il est conseillé de faire analyser les aliments avant les mises-bas afin de prévenir tout risque d’agalactie sur les brebis, particulièrement dans les élevages touchés l’an passé. Toutefois, la présence d’ergot dans un tas céréales doit alerter les éleveurs sur les risques encourus. Les céréales contaminés ne doivent pas être distribuées aux animaux, quelque soit l’espèce !

Une attention particulière doit être portée aux aliments achetés, notamment pour les aliments « 1er prix » issus de parois et déchets de céréales : ceux-ci peuvent représenter un  fort risque mycotoxine étant donné leur composition (mycotoxines et champignons sont concentres sur les parois).

En cas de signes cliniques observés sur vos brebis comme ceux décrits ci-dessus, contactez votre vétérinaire et votre GDS !

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