FORMATION GDS : Une autre approche de la paratuberculose
Vétérinaire en Normandie, et spécialiste de cette maladie, Éric Meens a présenté lors d’une formation organisée par le GDS une nouvelle façon d’appréhender la paratuberculose, par une approche globale de la conduite du troupeau et de l’alimentation.
Propos recueillis par Alain HUMBERTCLAUDE. La vie Agricole de la Meuse, édition du 18 février 2022
La paratuberculose est une maladie bactérienne qui touche les bovins, très répandue en France et dans le monde, avec des conséquences économiques
qui peuvent être importantes pour les éleveurs : baisse de production laitière, réformes prématurées, diminution de l’efficience alimentaire, baisse de la fertilité, sensibilité accrue à d’autres maladies. Une enquête conduite en Bretagne évalue ainsi la perte de lait à 1,6 litre par vache et par jour dans les troupeaux atteints. Les animaux touchés sont aussi plus sensibles aux mammites. À cela s’ajoute le coût des plans de lutte et des analyses.
Une maladie très impactante
La maladie est provoquée par une bactérie, «mycobacterium avium paratuberculosis», capable de persister très longtemps dans l’environnement (sol, bâtiments…), et d’affaiblir les défenses de l’organisme. L’infection touche principalement les jeunes animaux, âgés de moins d’un an. Certains bovins peuvent devenir «super excréteurs», et sont les principaux responsables de la dissémination des bacilles dans l’environnement. L’assainissement des élevages contaminés, via des plans de lutte fondés sur le dépistage et l’élimination des animaux atteints, est difficile, et «très impactant sur le plan économique», a rappelé Éric Meens. L’efficacité de la vaccination est aussi limitée. Or, plutôt que cette vision «uniquement
hygiéniste» d’aborder la maladie, une autre approche, «plus globale» peut aussi être envisagée, a expliqué le docteur Éric Meens.
Alimentation et système immunitaire
Cette nouvelle approche repose sur la notion de «résilience », qu’il définit comme «la capacité à surmonter une maladie, pour revenir à un bon état de santé». L’enjeu étant de «redonner cette capacité quand elle a été perdue». Éric Méens invite ainsi à avoir une vision «plus globale» ou «systémique», c’est-à-dire considérer le cheptel et tout son environnement : alimentation, pâtures, logement, équipement de traite, hygiène… Il cite, à l’appui, des exemples d’élevages contaminés, qui ont éliminé la paratuberculose en quelques années, en modifiant leurs pratiques. «Si on redonne ses capacités à l’animal, il va très bien gérer la paratuberculose, mais aussi les autres maladies», a-t-il expliqué. Parmi les facteurs à considérer, l’alimentation tient une place très importante pour préserver le système immunitaire de l’animal. En effet, celle-ci joue directement sur le «microbiote», c’est-à-dire l’ensemble des bactéries et autres micro-organimes qui vivent dans l’appareil digestif (principalement dans le rumen) et permettent la digestion. «Le microbiote répond surtout au régime alimentaire, qui est le moteur essentiel de l’état pathologique», souligne l’intervenant. Or, un déséquilibre ou «dysbiose», de ce microbiote, a des conséquences importantes sur l’immunité. Par exemple, en cas d’acidose, l’intestin de la vache devient plus perméable, et laisse passer des mauvaises bactéries qui vont contaminer l’animal. «L’inflammation chronique de l’intestin est un facteur majeur de la paratuberculose, mais aussi d’autres problèmes » a expliqué l’intervenant. Pour préserver cet équilibre, Éric Méens insiste sur l’importance d’une alimentation, «variée», «qui ne doit pas varier», et «non avariée ». Aussi, les transitions alimentaires doivent être particulièrement soignées. «Le microbiote n’aime pas le changement, il faut des transitions alimentaires d’au moins trois semaines» a-t-il insisté.
« Révolution à venir »
Éric Méens a ensuite distillé de nombreux conseils de «nutrition santé». Par exemple, sur l’importance du colostrum chez les veaux et l’intérêt du lait entier, sur la distribution des aliments, la nécessaire qualité de l’ensilage d’herbe «un conservateur se justifie», l’importance des minéraux «l’hypocalcémie est un facteur très puissant de paratuberculose». De nombreux autres facteurs peuvent aussi influer sur l’équilibre du microbiote, tels que le «stress social» ou thermique, les courants parasites, etc. Un espoir réside dans la génétique : un index de résistance à cette maladie sera bientôt disponible. Pour illustrer l’importance du microbiote, Éric Méens a ouvert une parenthèse en évoquant les travaux en cours chez les humains, qui n’en sont encore qu’à leurs débuts ; il y voit «une révolution à venir» dans le traitement de nombreuses maladies, y compris le cancer. Des traitements ont déjà fait leur preuve contre la maladie de Crohn.