La paratuberculose : maladie d’environnement des bovins, ovins et caprins
La contamination d’un cheptel par la paratuberculose n’est pas toujours flagrante, mais l’apparition d’un cas clinique est annonciatrice d’un assainissement long et d’une contamination souvent bien implantée. Face à ces infections invisibles, la rapidité d’un assainissement en paratuberculose est tributaire de la détection précoce de la maladie et de la mise en place de mesures préventives. Cette maladie touche autant les bovins que les ovins ou caprins. Dans tous les cas c’est avant tout une maladie d’environnement !
Une entérite incurable des adultes
La paratuberculose est une maladie d’origine bactérienne, correspondant à une entérite chronique avec une phase de latence longue. En effet, si les animaux se contaminent principalement lorsqu’ils sont très jeunes (dans les 6 premiers mois) l’expression clinique de la maladie n’apparaîtra qu’à partir de l’âge de 2 ans, suite à un stress (une mise-bas par exemple), voire parfois beaucoup plus tardivement : à l’âge de 5-6 ans, voire plus de 10 ans pour les bovins. La phase clinique de la paratuberculose se traduit, chez les bovins, par une diarrhée chronique et persistante, incurable, ainsi qu’un amaigrissement de l’animal malgré un appétit conservé. En petits ruminants il n’y a généralement pas de diarrhée mais un amaigrissement progressif jusqu’à l’extrême maigreur (appelée cachexie) malgré un appétit conservé. La maladie aboutit inexorablement à la mort de l’animal.
Outre l’impact sanitaire de cette pathologie sur un cheptel, la paratuberculose se traduit par des pertes économiques non négligeables : la moins-value de la production laitière est estimée entre 5 à 25 % et l’amaigrissement de l’animal induit une moins bonne valorisation bouchère. A cela s’ajoutent les frais liés aux traitements infructueux, la perte des animaux cliniquement atteints ainsi que la perte de génétique (réforme de certaines lignées de femelles infectées).
La transmission de la maladie se fait majoritairement par l’ingestion par les jeunes, de matières fécales contaminées des adultes : une faible quantité de germe ingérée régulièrement au cours des premiers mois suffit à contaminer les jeunes animaux. Or un animal malade de paratuberculose excrète plusieurs millions de germes par jours, contaminant ainsi de manière considérable tout son environnement : aires paillées, logettes, barrières/murs, bottes de l’éleveur, abreuvoir, auge… Ainsi, les jeunes animaux qui constituent la population sensible sont susceptibles de se trouver dans un environnement qui peut devenir lui-même une source de contamination, la bactérie pouvant survivre plus d’une année dans le milieu extérieur.
Trois axes fondamentaux pour la lutte contre la maladie
La paratuberculose ne pouvant être traitée, la lutte contre cette pathologie s’articule autour de 3 axes qui sont indissociables : le dépistage des animaux associé à l’élimination des positifs d’une part, la mise en place de pratiques préventives permettant d’éviter que les animaux se contaminent d’autre part et enfin la maîtrise de l’immunité des animaux afin de les rendre les plus résistants possible à la bactérie.
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Les dépistages :
Pour évaluer la présence de paratuberculose dans un troupeau, au-delà du diagnostic clinique individuel qui peut être fait sur un animal malade par le vétérinaire, on peut réaliser :
- soit des analyses de sang (par mélanges de 10) pour voir si les animaux sont porteurs d’anticorps anti-paratuberculose. L’analyse de mélange (avec ou sans reprise en individuel) permet de diminuer les coûts d’analyses tout en conservant une bonne détection des animaux infectés
- soit des analyses d’environnement qui consistent à rechercher directement la présence du germe paratuberculeux dans la litière, les poussières, les quais de traite, …
Les animaux dépistés positifs sont à isoler et à réformer au plus vite dans la mesure où ils constituent des réservoirs à bactérie et peuvent excréter le bacille paratuberculeux sans exprimer de symptômes.
Rappelons que la paratuberculose fait partie de ces maladies qui s’achètent, il est donc indispensable de dépister les animaux achetés dès lors qu’ils sont âgés de plus de 18 mois par PCR sur fèces couplée à une analyse sérologique. Attention, seul un accord commercial préalable à l’achat d’un animal (ou d’un lot d’animaux) peut permettre le retour de celui-ci chez le vendeur en cas de réaction positive à l’un des 2 tests (document « Billet de Garantie Conventionnelle » disponible au GDS).
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Les mesures préventives pour empêcher la contamination des jeunes animaux :
Prévenir la contamination des jeunes consiste en premier lieu à empêcher tout contact des jeunes avec des adultes infectés et/ou avec un environnement souillé. Pour ce faire, les mises-bas doivent se dérouler dans un lieu propre, d’où l’intérêt d’aménager un box de vêlage réservé à cet usage et de le nettoyer et le désinfecter fréquemment. De plus, il est conseillé de retirer rapidement le veau à sa mère et de le nourrir avec le colostrum de sa mère uniquement (ou du colostrum préalablement pasteurisé ou provenant de vaches non infectées), en élevage laitier.
En élevages ovins ou caprins, il faut gérer des lots séparés d’adultes infectés /non infectés ou isoler au maximum les mères atteintes de paratuberculose et bien marquer leurs petits pour ne pas les garder pour la reproduction.
Photo 1 : Séparation des jeunes veaux et circuits pour qu’ils ne soient pas en contact avec les déjections des adultes excréteurs
Par la suite, en système laitier, il faudra isoler les jeunes et veiller à les nourrir avec un lait non contaminé (hygiène des seaux, tétines,..), préférentiellement du lait en poudre. En système allaitant, c’est l’isolement précoce des mères infectées avec leurs petits qui permet de limiter l’infection aux autres jeunes animaux. Et surtout une bonne hygiène générale de l’élevage doit être assurée : paillage important, bonne ventilation des bâtiments, séparation mères/petits possible (= box à veaux ou à agneaux inaccessibles aux adultes), etc… Les animaux doivent être propres : pour évaluer objectivement ce critère, on peut utiliser les grilles de notation Normabev : objectif note 2 maxi !
Les aliments et l’eau d’abreuvement doivent également être exempts de contaminations fécales d’adultes = non croisement des circuits (tracteurs et bottes des intervenants) !
La bactérie responsable de la paratuberculose pouvant survivre plusieurs mois dans l’environnement, l’épandage des fumiers sur pâtures est à proscrire, notamment si elles sont destinées aux plus jeunes.
Photo 2 : le fumier doit être réservée aux cultures de vente ou aux parcelles où ne sont pas mis les jeunes animaux
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La maîtrise de l’immunité des animaux
Comme bon nombre de maladies, tout est histoire d’équilibre entre les germes présents et l’immunité des animaux. Plus les animaux ont un système immunitaire fort, plus ils vont résister aux agressions extérieures et moins ils seront sensibles aux germes environnant : ceci vaut également pour le bacille paratuberculeux.
En d’autres termes, tout faire pour avoir des veaux, des agneaux ou des chevreaux résistants, servira à les rendre plus fort face aux diarrhées, aux pathologies respiratoires, au parasitisme… mais également à la paratuberculose !
- Préparation avant mise-bas
Tout commence donc par la maîtrise de la fin de gestation : dans les 4 semaines avant mise-bas, les multipares comme les primipares doivent avoir une alimentation spécifique qui couvre leurs besoins en énergie, protéine et minéraux/vitamines/oligo-éléments. Plus le terme approche et plus il faut concentrer la ration pour continuer à couvrir leurs besoins, malgré une capacité d’ingestion en baisse. Dans tous les cas, il faut respecter leurs besoins physiologiques, c’est-à-dire gérer la BACA (balance anions/cations) et ne pas les préparer à l’herbe ! Les apports alimentaires sont les fondements de la bonne santé des mères et de leurs petits.
- Maîtrise du parasitisme
Le parasitisme altère les fonctions hépatiques, dévie le métabolisme énergétique, dévalorise la ration, inhibe la synthèse d’anticorps dans le colostrum, etc… il a donc un impact important sur la santé générale des animaux et leurs capacités de lutte contre les maladies. Il est donc indispensable de maîtriser les infestations parasitaires, notamment de la douve et du paramphistome. En terme de paratuberculose, de jeunes animaux parasités seront plus enclin à contracter la maladie, tandis que des adultes déjà porteurs du bacille paratuberculeux exprimeront plus la maladie.
- L’alimentation des jeunes
Le colostrum doit être de bonne qualité et distribué (ou tété) en quantité suffisante : ceci dépend notamment de la phase de préparation avant mise-bas (voir ci-dessus). Ensuite, le lait va constituer la majeure partie de l’alimentation : il doit donc être de bonne qualité et en quantité suffisante. En système allaitant cela va dépendre de la préparation avant mise-bas et de l’alimentation disponible pour les mères post-mise-bas. En système laitier : l’utilisation de lait en poudre nécessite de la rigueur pour la concentration du lait, la température de distribution et les quantités distribuées. Dès qu’un de ces 3 paramètres est déréglé, c’est la santé du veau ou du chevreau qui en pâtit et donc sa sensibilité à toutes les pathologies qui augmente.
Les aliments solides distribués aux veaux, agneaux ou chevreaux doivent être adaptés à leur statut de pré-ruminant : c’est-à-dire ni céréales à paille ni ensilage de maïs avant 6 mois. Sinon les risques d’acidose ou de coccidiose clinique ou subclinique voire de diarrhées sont importants et induisent systématiquement une sensibilité accrue aux autres pathologies comme la paratuberculose !
A noter que tout au long de la vie des animaux les apports en minéraux/vitamines et oligoéléments sont indispensables (en fonction des saisons et des aliments distribués) car ils conditionnent le bon fonctionnement du système immunitaire.
- Le logement
Maîtriser l’ambiance du logement est primordial pour de jeunes animaux car ils sont très sensibles au froid et aux courants d’air mais également au non renouvellement d’air. Les pathologies respiratoires et les diarrhées induites par de mauvaises conditions de logement rendent également les animaux plus sensibles aux autres pathologies et notamment à la paratuberculose !
Pour conclure, la lutte contre la paratuberculose est possible même si elle s’avère longue et difficile, d’autant plus si les paramètres d’hygiène, de croisement des circuits et de prévention des pathologies des jeunes ne sont pas maîtrisés. Le GDS accompagne les éleveurs volontaires dans la lutte contre la maladie, à différents degrés selon les souhaits et les possibilités de réforme et de mise en place des mesures de lutte de chaque élevage.
Les carences en fin de gestation et leurs impacts sur la santé des mères et de leurs petits :
- déficit énergétique: les mères puisent sur leurs réserves => cétose, surcharge hépatique, baisse de l’immunité, fièvre, inflammation, sensibilité aux maladies pour la mère et ses petits, …
- déficit protéique: mauvaise gestion de l’inflammation et de l’immunité, baisse de la production de lait, baisse de la croissance du foetus, tendance à l’engraissement de la mère, mauvaise absorption des anticorps du colostrum par le nouveau-né (au niveau intestinal),
- carence en minéraux/vitamines/oligo: prolapsus vaginaux, non dilatations du col, hypocalcémie, myopathies chez les agneaux, mauvais transfert colostral, sensibilité aux maladies, pas d’adaptation à la vie extra-utérine ni lutte contre l’hypothermie, agneau mou…
Julien Anderbourg – GDS 54 / 1er juillet 2019